On était à
Sons d'Hiver, plus rien ne s'oppose à la nuit

A l’arrière des berlines du métro parisien, nous passionnés de jazz sommes les rois des premiers mois. Quand le jour tombe à 17 heures, plus rien ne s’oppose à la nuit : à nous Sons d’Hiver et sa programmation osée. Osée, fine, exigeante, pour que ne durent que les moments doux. On vous raconte notre 27ème édition du festival.

Jour 1. Vendredi 26 janvier. La nuit, il s’agit d’abord de survivre

Métro ligne 7, Le Kremlin-Bicêtre. In Order To Survive, c’est le nom du quartet du contrebassiste et compositeur afro-américain William Parker qui ouvre le festival. Pour survivre il faut réveiller les consciences dans ce monde qui va mal : c’est ce à quoi s’emploient les déferlantes ultra rapides des musiciens, les torrents dont nous éclabousse Cooper-Moore au piano et les salves de saxophone comme autant d’injonctions à nous redresser. Un esprit de rébellion en résonance avec les marches anti-Trump initiées par Patricia Nicholson, la femme de William Parker, dont ce dernier nous a parlé avant le concert dans le foyer du théâtre (photo). Après l’entracte les mêmes musiciens, cette fois en version soul jazz, reviennent apaiser nos esprits. Le batteur Hamid Drake fait profusion insolente de combinaisons rythmiques sur un motif mélodique répété tandis que James Brandon Lewis dévore l’espace au saxophone. Un morceau intitulé Prayer conclut la soirée de façon spirituelle, raccord avec le message écrit sur le T-shirt que porte Cooper-Moore “Peace through music”.

Jour 2. Samedi 27 janvier. La nuit, les rues ont longtemps été jaunes.

RER B, Cachan. Les halos jaunes dans les rues la nuit, avant que la municipalité ne modernise l’éclairage public, ce sont ceux de la ville de Chicago dont Mike Reed dresse ce soir un portrait en musique : The City Was Yellow. Le batteur afro-américain nous a dit (deux jours plus tôt en conférence organisée par Sons d’Hiver à l’Université de Chicago à Paris) que Chicago porte en elle l’idée que l’on peut se réinventer soi-même constamment. Son portrait interprété par et avec les musiciens français de l’Orchestre National de Jazz (photo), on l’imaginait donc énergisant, ébouriffant. Mais en fait le tempo est lent, décousu, heureusement réveillé vers la fin par le super solo du tromboniste Fidel Fourneyron. Le croisement Etats-Unis/Europe cher au festival constitue en tout cas le coeur de cette soirée : en première partie le trio de jazz spirituel oriental de la flûtiste Naïssam Jalal est rejoint par l’Américain Hamid Drake présent la veille et dont les envolées luxuriantes au bendir sont chaudement applaudies.

Jour 3. Dimanche 28 janvier. La nuit, le croissant de lune se met à nous parler.

RER C, Choisy-le-Roi. La gare reste desservie bien que la crue exceptionnelle de la Seine ait fait fermer toutes les stations parisiennes de la ligne. Le croissant de lune, Crescent Moon, un MC de Minneapolis connu parait-il dans le milieu hip-hop indé, capte notre attention par son talent d’interprète aux côtés d'Ursus Minor, un groupe de rock déguisé en quartet de jazz (clavier, sax, batterie, guitare électrique). C’est qu’il nous mettrait le frisson lorsqu’il nous fixe en scandant avec émotion “Could you see it in your eyes” sur un texte déprimant et une instrumentation sombre (photo). Les énergies alternent, hyper rock ou plus calmes, ce qui évite la sensation de répétition. On ne peut pas en dire autant du rappeur P.O.S en première partie, balançant de bout en bout un hip-hop rentre-dedans sur une mixtape. Pour sa première en France en tout cas il se souviendra de son fan qui passe son temps à l’interpeller depuis son siège, battant le rythme les bras levés.

Jour 4. Lundi 29 janvier. La nuit on improvise souvent, on réussit parfois.

Métro ligne 4, Vavin. A l’extérieur les étudiants américains du campus de Columbia sont priés de parler en français (photo); à l’intérieur, sans un mot, cinq musiciens français et chicagoans utilisent le langage de l’improvisation. Pas de partition, pas de leader, pas de répétition, ils créent en direct pour le projet intitulé The Bridge #14. On imagine une forêt sous l’orage, inquiétante, avec les déflagrations de deux saxophonistes, deux batteurs et la pianiste qui cogne avec les paumes ouvertes de ses mains. Un répit, du silence, juste quelques coups de tambour. On entend des pépiements dans une clairière encore chargée d’humidité puis ça se redensifie jusqu’au fracas. Fin de la première session. Par quels codes parviennent-ils à conclure pile ensemble alors qu’ils semblent jouer selon des trajectoires autonomes? On lève les yeux pour vérifier que les collégiens postés au balcon ne sont pas encore (tous) tombés sous les flèches sonores. Accrochez-vous, il reste encore deux sessions.

Jour 5. Mardi 30 janvier. La nuit, la possibilité d’une cloche.

RER B, Arcueil. Une cloche? The Bell ! C’est le nom du trio new-yorkais formé par Craig Taborn – pianiste que l’on avait adoré en solo l’an dernier au festival – Ches Smith qui alterne batterie et vibraphone (xylophone métallique) et l’altiste Mat Maneri. Ces trois-là se révèlent maîtres dans l’art de faire monter la tension à son paroxysme. Leur album est en vente parmi d’autres au stand du label RogueArt tenu par Michel Dorbon qui met en avant le free jazz et les musiciens afro-américains (photo) et nous a offert à tous à la soirée d’ouverture du festival le journal écrit par William Parker, sympa. L’album du premier duo américain de la soirée, James Brandon Lewis au saxophone ténor avec Chad Taylor à la batterie, ne sera disponible lui qu’en mars. On l’attendra, tant l’émotion ressentie ce soir est vive. Le duo alterne du jazz spirituel où le saxophoniste nous cueille par son timbre rond et enveloppant, et pièces fougueuses où le batteur lâche les chevaux. Optant pour le mbira (piano à pouces d’Afrique), il structure une ligne mélodique délicate sur laquelle James Brandon Lewis déploie un jeu tout en retenue. Revenant à la batterie, il impulse une rythmique afro-caribéenne qui fait groover le saxophoniste. Notre meilleure soirée jusqu’alors.

Jour 6. Vendredi 02 février. La nuit, nous ne sommes que chair et os.

RER D, Alfortville (photo). Flesh and Bone ? Le titre nous attirait. En fan de soul, on pense aux paroles d’amour déchirantes de Donny Hathaway (“I'm only flesh and blood. But I can be everything that you demand”) mais ici rien à voir, il s’agit selon le livret d’une transfiguration musicale par Mike Reed du traumatisme d’une agression néo-nazie qu’il a subie. Des bribes de vidéos sont projetées en boucle derrière le batteur chicagoan entouré de six musiciens. Elles montrent des travaux de construction, un bâtiment en flammes, des passants américains dans les années 70. Hélas, on ne comprend pas le projet. S’il s’agit d’exprimer une révolte contre l’intolérance, pourquoi ça swingue et pourquoi ça ne véhicule pas d’émotion ? Pourquoi une succession de solos sans liant entre eux ? Pourquoi des vidéos inutiles ? Au final on ne retient rien hormis le soul man afro-américain Marvin Tate qui récite des poèmes d’une voix authentiquement vibrante.

Jour 7. Dimanche 04 février. La nuit, on rêve d’eau et d’Orient.

Métro ligne 9, Alma-Marceau. Ce soir on rêve d’eau avec la guitare électrique couleur bleu des mers du Sud de Sylvain Luc (sur la droite de la photo) et d’Orient avec les frères Chemirani, percussionnistes d’origine iranienne. Leur jeu ensemble est un pur moment de bonheur. Avec des pédales loop, Bijan Chemirani crée une boucle avec son luth saz puis dans la pièce suivante c’est Sylvain Luc qui installe une boucle de sa guitare bleu lagon. Leur connexion et leurs sourires font plaisir à voir, ils ne se quittent pas des yeux et s’amusent à retarder la conclusion des morceaux. Sylvain Luc alterne guitares classique et électrique toujours avec un son velouté, moelleux et, ce qui ne gâche rien, il respire la sympathie lorsqu’il s’adresse à nous. Le jeu de Bijan et Keyvan, avec la pulpe des doigts, la paume des mains et les ongles sur la peau de leurs percussions orientales est d’une rapidité diabolique mais toujours dans le respect de la sonorité de la guitare, sans aucune agressivité. Deux rappels par le théâtre au complet, une soirée parfaite.

Jour 8. Mardi 06 février. La nuit les rois se comportent comme des bâtards.

RER D, Maisons-Alfort (photo). L’offensive hivernale ralentit les RER. Malgré la neige le théâtre se remplit pour Kings and Bastards, le projet solo du pianiste Roberto Negro. A lui seul il donne un spectacle à voir et à entendre, hyper contemporain : on est dans de l’électro répétitive lorsqu’il plaque des motifs avec une endurance impressionnante; on se croit dans un film type Interstellar lorsqu’il crée des grésillements d’ondes radio et des signaux que l’on dirait venus de l’espace. Debout, il répète une ligne mélodique de sa main gauche tandis que sa main droite opère à coeur ouvert les entrailles de son piano à queue, plongeant avec gourmandise à l’intérieur de ce garde-manger de cordes pour en tirer des sons métalliques. Cette performance du futur laisse nos voisins, des étudiant(e)s au milieu d’un public toujours majoritairement senior, intrigués. Peut-être que le quartet de David Murray en seconde partie répondra davantage à l’idée qu’ils se font du jazz, mais nous, il ne nous captive pas. On ne reste que pour le solo du batteur Nasheet Waits dont le jeu dément nous avait déjà épatée l’an dernier.

Jour 9. Mercredi 07 février. La nuit, les reines seraient des reptiles.

RER B, Cité Internationale. Les conditions de déplacement deviennent hardcore, plus aucun bus ne circule en raison du verglas. Mais nous, rescapés climatiques comme nous qualifie le directeur Fabien Barontini, sommes au complet pour Sons of Kemet (photo), le groupe afro-futuriste de Shabaka Hutchings. Au premier rang on retrouve le fan de Shabaka avec lequel on avait échangé au Blue Note Festival. Le public réceptif et enthousiaste, bien plus jeune que pour les précédents concerts, se met à danser dans les allées latérales de l’amphi: les rythmiques afro-caribéennes archi pulsées des deux batteurs sur lesquelles sax et tuba se font volcans en éruption, s’approchent de la transe. Les lignes mélodiques de Shabaka nous font penser à celles de son projet sud-africain Shabaka & The Ancestors. Après un solo orientalisant façon charmeur de serpent, il nous dit que nous venons de découvrir leur nouvel album à paraître en mars, Your Queen is A Reptile. Cela valait le coup de dépasser l'angoisse du verglas et de patienter pendant la (longue) première partie du rappeur et saxophoniste Soweto Kinch qui utilise des sons préenregistrés nuisant à l'osmose de son trio.

Jour 10. Vendredi 09 février. La nuit, les esprits créoles nous visitent.

Métro ligne 7, Villejuif. Creole Spirits nous invite ce soir à une réunion des esprits anciens de Cuba et d’Haïti, à travers la musique spirituelle de la Caraïbe inspirée par ses racines africaines. Le deux maestros initiateurs du projet, le saxophoniste Jacques Schwarz-Bart que l’on avait adoré déjà l’an passé, et le pianiste Omar Sosa, sont entourés de deux percussionnistes et deux divas, représentant(e)s de la santeria cubaine et du vaudou haïtien (photo). De cette merveille de concert, un bonheur de chaque instant, émane une puissante lumière. Il y a certes le blanc dont sont vêtus les six artistes, les bougies disposées au sol en cérémonial ou le sourire éclatant du percussionniste Claude Saturne. Mais plus profondément cette lumière vient de la communion des six, de leur rayonnement, de la voix divine, pleine et enveloppante de la magnifique prêtresse Moonlight Benjamin, de l'onctuosité du saxophone de Jacques Schwarz-Bart. Avec une autre rareté en première partie - les rythmes déments du percussionniste indien Prabhu Edouard associés à la guitare électrique de Nguyên Lê et à des instruments traditionnels vietnamiens - la soirée illustre la richesse du festival Sons d’Hiver.

Jour 11. Samedi 10 février. La nuit on ose les mélanges.

Navette affrétée par le festival de Châtelet à Vitry-sur-Seine. Le double plateau contrasté de ce soir offre encore un exemple de la diversité musicale que défend Sons d’Hiver. D’abord le trio clarinette-violoncelle-violon de Louis Sclavis Vincent Courtois Dominique Pifarély, à la frontière de la musique classique et du jazz. Les titres des pièces nous sont donnés par Louis Sclavis, de Mont Myon et sa délicate mélodie orientale d’ouverture jusqu’à La Carrière qu’il dédie à “son compagnon de route” Fabien Barontini dont c’est la dernière année à la tête du festival. Après l’entracte (photo) le saxophoniste Steve Lehman et quatre musiciens envoient des ambiances sombres aux basses très lourdes, sur lesquelles deux rappeurs alternent l’anglais et le wolof. Bien que l’on n’ait pas le décodeur des paroles et bien que Steve Lehman replié nerveusement sur ses partoches et son laptop ne nous regarde à aucun moment, le projet Sélébéyone (jonction en wolof) réussit son mélange électro/acoustique avec un morceau carrément tubesque, Are you in Peace. Pour autant, après de la musique de chambre cette programmation reste audacieuse et parmi les 400 spectateurs quelques-uns quittent la salle entre chaque morceau.

Jour 12. Mardi 13 février. La nuit on lâche les chiens.

Métro ligne 7, Mairie d’Ivry. A l’heure du chien à l’heure du loup, les festivaliers sont venus en meute. Le théâtre était complet depuis longtemps pour le guitar hero Marc Ducret. Dans les pièces qu’il a écrites sa guitare électrique et le saxophone de Tim Berne suivent des chemins distincts. Plongés dans le tout dissonant, on n’est pourtant pas agressés: le sax n’est pas dans le registre de la vocifération free et les moments de silence nous maintiennent en haleine. Sax et guitare se rejoignent juste le temps de marcher ensemble sur quelques notes, tandis que Tom Rainey alterne sur sa batterie baguettes, fouets, ses mains et même ses coudes. 40 minutes d’entracte ça laisse le temps aux amateurs de littérature de profiter du fonds afro-américain de Envie de Lire (photo), la librairie-coopérative d’Ivry présente chaque soir. Nous ça nous laisse le temps de bavarder avec un deuxième verre de rouge, le premier nous ayant été offert par le barman, trop sympa. Bouchons de vin et bouchons d‘oreille ne sont pas superflus avant de passer du côté rock de la force. Plus aucun répit, Band Of Dogs lâche les chiens. Jean-Philippe Morel à la basse électrique crée en même temps une boucle avec un mini synthé et des pédales d’effets, Philippe Gleizes à la batterie ne va pas tarder à s’arracher la nuque et les bras tant il les fait claquer dans tous les sens, et leur invité Otomo Yoshihide conjugue guitare électrique et platines vinyles sur lesquelles il frotte un archet. L’ensemble nous immerge dans un continuum enragé et se conclut par des spasmes sonores. Comment trouver le sommeil après ça ?

Jour 13. Jeudi 15 février. La nuit les promenades sont solitaires.

Métro ligne 1, Vincennes. Carte blanche au pianiste Stephan Oliva (photo) pour emmener dans ses films noirs et autres pièces à la tristesse contenue: Cécile seule, comme une promenade solitaire dans une ville dont on n’attend rien; Cercles où l’on imagine un paysage défiler, collant notre solitude à la vitre d’un train. Une courte pause sert à dérouler un grand écran pour la première en France de la pianiste Katheen Tagg et du clarinettiste David Krakauer. Une caméra plonge dans les entrailles du piano à queue grand ouvert pour nous restituer sur l’écran les techniques employées par Kathleen : tantôt elle en fait un instrument de percussion, tantôt une harpe couchée à l’horizontal. Debout, elle frotte un bouquet de crins sous les cordes comme un archet sans son bois et elle comprime des dentifrices d’un poids précis et des foulards à l’intérieur du piano. Elle crée aussi de “l’electro organique, 100% bio” avec des notes martelées au clavier et pédale loop. David, palme du musicien le plus bavard, détaille entre chaque pièce comment ils ont connu les compositeurs dont ils arrangent les morceaux : un Syrien sur le thème de l’exil, John Zorn, un Cubain, un joueur de marimba rappelant à Kathleen son Afrique du Sud natale, un Brésilien, et un Moldave pour le morceau le plus poignant de klezmer. Le succès dans l’auditorium complet est énorme pour ce spectacle contemporain qui donne à voir et à entendre.

Jour 14. Vendredi 16 février. La nuit s’accouplent les genres.

Métro ligne 8, Créteil. Sons d’Hiver nous offre une autre première en France, Carl Hancock Rux présenté comme un poète surdoué de New York. En trio avec un batteur et un musicien à l'électronique, il invente une musique Soul du futur. Sa voix grave et posée chante et récite sur un large spectre de genres musicaux : des samples de guitare blues, de voix gospelisantes, de lumineux violons classiques, de frappes au tambour, de guitares rock et même une rythmique broken beat à la batterie. Projetées sur grand écran de larges taches sombres s'incrustent sur d’antiques cartographies d’une Afrique morcelée et sur des cercles du Zodiaque (photo). Carl Hancock Rux sera notre coup de coeur du festival. Après l’entracte le projet Emile Parisien-Jeff Mills que l’on avait découvert à Jazz à Vienne l’été dernier poursuit la fusion des genres. C’est la techno qui fournit la matière première, des échantillons de l’oeuvre de John Coltrane mixés avec des beats minimalistes. Une matière ouatée et hypnotique dont Emile Parisien pénètre les fibres en va-et-vient par la sonorité feutrée de son saxophone alto. C’est de Carl Hancock Rux que l’on reparle dans la navette du retour jusque Bastille, notre voisin de bus ayant observé de près son look travaillé: un kilt en cuir sur des leggings, des chaussures de combat coquées en argent, des chaînes, des bracelets, une énorme bague tête de mort.

Jour 15. Samedi 17 février. La nuit les pères chantent leur blues.

Métro ligne 8, Créteil. Sons d’Hiver se conclut traditionnellement par une soirée blues, qui rassemble un maximum de public dans l’immense salle de Créteil. Après un mois de pérégrinations, on termine avec la musique d’origine de toutes nos modernités, résume Fabien Barontini. Trois groupes, 30 minutes de pause entre chaque, on est partis jusque minuit. D’abord le blues du Sud profond de Big Daddy Wilson. C’est le moment de mettre vos bottes, sourit-il avant de chanter Cross creek road. I’m goin’ to Hampton. Du coffre, une voix puissante et chaude tendance gospel, des guitaristes mis en avant, un public heureux. Bingo, les disques dédicacés par l’artiste se vendent comme des petits pains à l’entracte (photo). Ensuite Eric Bibb dans un registre folk mélange anciens morceaux et ceux de son nouvel album Migration Blues en hommage aux migrants. On retient Refugee Moan, une belle prière dépouillée. Au-delà du blues qui n’est peut-être pas notre style de prédilection, ce qui est touchant c’est l’enthousiasme des 850 spectateurs qui l’applaudissent debout et sifflent parce qu’on leur refuse un rappel, timing oblige. Dommage car le final par Bad Fat est décevant. Un brass-band hip-hop pas moderne, pas rythmé. On tient tant qu’on peut mais quand un des rappeurs se met à répéter Pussy, Pussy de façon ridicule, on appelle un taxi pour rentrer. Pas grave du tout, on conserve en tête la belle interprétation de I wish I was a mole in the ground, une balade folk traditionnelle reprise par Eric Bibb.

Le bilan

Côté concerts

La spiritualité
James Brandon Lewis & Chad Taylor, on retient que leur album paraîtra en mars.

L’élégance
Sylvain Luc et les frères Chemirani, un trio dont le plaisir est manifeste, la grande classe.

La transe
Shabaka Hutchings parrain du futur son de Londres revient avec son mini brassband afrofuturiste Sons of Kemet.

La promesse de lumière
Creole Spirits par Omar Sosa, Jacques Schwarz-Bart, leurs percussionnistes et leurs divas, un moment de plénitude.

La recherche contemporaine
David Krakauer et Kathleen Tagg explorent de nouveaux sons dans un spectacle où la vidéo révèle la transformation du piano en instrument de percussion.

Le coup de coeur
Carl Hancock Rux pose sa voix Soul envoûtante sur une batterie live, des samples et des vidéos. Une brillante découverte de Sons d’Hiver.

Côté festival

On a aimé
- L'édito du directeur : disponible en intégralité sur le site web du festival l’edito collector de Fabien Barontini qui signe là sa dernière année à la tête du festival est de toute beauté. Une pépite qui nous appelle à sortir chaque soir malgré les forces contraires de l’hiver.
- Le site web : Complet en termes d’informations artistiques sur les concerts et logistiques pour accéder aux villes, actualisé chaque jour avec photos et comptes-rendus de concerts, le site web est exemplaire.
- La librairie présente chaque soir et les conférences avec les artistes de Chicago conduites par l’écrivain et chercheur Alexandre Pierrepont, qui enrichissent la proposition festivalière.

On a moins aimé
- L’horaire de début : on préfèrerait 20H00 pile au lieu de 20H30 qui dérive en 20H45, considérant la durée du trajet retour pour rentrer du Val-de-Marne.

Conclusion

La nuit, on en a pris des trains à travers la plaine. On a multiplié les trajets parce que Sons d’Hiver, par sa programmation avant-gardiste, nous élève, nous tire vers le haut. Quatre semaines plus tard on a dans les bottes des montagnes de bons sons, où subsiste encore son écho.

Récit et photos Alice Leclercq